6.7.07

Carnet de bord III

Vous l'avez réclamé
Je vous l'ai rédigé
Le voici, le voilà,
Le numéro trois...

Dimanche 13

Ce matin, quand je débarque sur le pont aux aurores, il n'y a pas de soleil, on n'entend pas les oiseaux et l'horizon est complètement bouchonné. Le ciel n'est pas gris, il est plomb. Plomb couleur et plomb poids. Y'à pas un poil de vent. Cette fois on ne va pas y couper, au gros orage tropical...
Effectivement, une heure plus tard, alors que nous sommes en plein p'tit déj', les gouttes commencent à tomber. D'abord ça ressemble à un crachin miteux, trois pauv' gouttes de rien, mais Veri et JR se précipitent quand même vers la proue, en "moule-zguègue" -je me rends compte, soudain, que je n'ai jamais eu à écrire ce mot et donc je n'en connais pas l'orthographe-, histoire de voir si ils peuvent profiter d'une douche gratuite. Lisa et moi on rigole franchement parce que c'est pas avec cette pissée de serin qu'ils vont y arriver.
Deux secondes plus tard ce sont des trombes d'eau tiède qui tombent du ciel, et nous voilà tous les 4, riant comme des bossus et dégoulinant d'eau douce, pouvant à peine ouvrir les yeux tellement il pleut fort !

Bizarrement, ça a été un de mes moments préférés du voyage. Je ne saurais pas bien décrire pourquoi mais c'était franchement drôle de se retrouver rincés comme ça par les éléments qui, pour une fois, nous rendait service. Je crois bien que c'est la première fois de ma vie que j'ai aimé la pluie.
Quand l'orage se calme, nous sommes déssalés (au sens propre -arf arf-, bien entendu), le bateau est rincé et nous pouvons boire notre café tranquilles et au frais.
Le répit ne dure pas longtemps et tout revient à la normale, chaleur et soleil au rendez-vous.
Veri et moi prenons le zodiac et partons explorer l'île qui se trouve à tribord, Lime Cay. Elle ressemble énormément à Hunting, que nous avons vue la veille au soir. Mêmes ordures, hélas, et quelques personnes qui viennent de débarquer de je ne sais où pour y camper.
Nous chaussons nos palmes et nos masques et partons explorer les fonds marins, mais le corail est mort et décoloré par le soleil. Rien à voir, nous reprenons le zodiac et partons à quelques mètres du bateau où il n'y a pas grand chose non plus...On barbote et on nageouille, en attendant que ce soit l'heure du déjeuner, puisque c'est les vacances et on a rien à faire...
Cool la vie...
L'après-midi, alors que nous nous préparons à aller voir l'île de babord, nous écoutons à la radio se dérouler un mini-drame avec le catamaran qui a jetté l'ancre non loin de nous. La baby sitter a téléphoner à la base pour demander qu'on la rappelle d'urgence. Evidemment, c'est la panique à bord parce que ces gens-là n'ont aucun moyen de joindre leurs enfants ou leur baby-sitter. La mère est toute seule à bord pendant que les 3 autres sont partis pêcher. Lisa et JR vont en zodiac prévenir les autres, qui rentrent ventre à terre à leur cat' pour essayer de gérer la crise.

Nous partons tous les 4 à Nicholas Cay, sur laquelle se trouve un "resort" touristique abandonné à mi-construction. Sur l'île ne vivent que les gardiens qui balayent inlassablement le sable et les feuilles mortes, entretenant des constructions qui n'en sont même pas vraiment...Ça m'écoeure un peu de penser que le paysage a été défiguré, et tout ça pour rien...
Nous avons la chance d'avoir un superbe coucher de soleil, sur fond de ciel presque laiteux, ça fait un effet assez curieux et très beau: impression soleil couchant.
A peine attachons-nous le zodiac à l'arrière de notre bateau que la radio grésille: "Lucky Erin, Lucky Erin, Lucky Erin, ici Sooner Sojourn". Lisa se précipite: "Sooner Sojourn, ici Lucky Erin". "Lucky Erin, c'est Happy Hour sur Sooner Sojourn, tout est arrangé, venez prendre l'apéro..."
Nous voilà donc à bord d'un énorme catamaran, qui ressemble plus à un appart' flottant qu'à un bateau, à picoler bières et rhum avec 1 couple français et 1 couple américano-français. Moi je joue les pipelettes, quel soulagement de causer un peu en Gaullois enfin, après toutes ces journées remplies d'anglais...

Lundi 14

Nous levons l'ancre tranquillement, direction Ranguana, une île dont nous avons entendu chanter les louanges depuis que nous navigons. On a même entendu dire que nous devrions laisser Ranguana pour la fin au risque de passer le séjour entier là-bas...Inutile de dire que nous sommes sceptiques, étant donné que nous nous sommes déjà sentis proches du paradis plus d'une fois, mais nous attendons quand même pas mal de cette dernière escale.
Les vents sont plus ou moins avec nous, mais à ce stade du voyage nous sommes malgré tout obligés de faire tourner le moteur parce que le frigo nous a lâchés et ne fonctionne pas sur la batterie...heureusement que nous sommes vers la fin du voyage parce que nos provisions sont entrain de faire la brasse coulée dans le fond du fridge. Le pain de mie est officiellement une éponge et le jambon commence à être un peu schizo parce qu'il a des nageoires...

Nous faisons une pause à Seal Cay, une p'tit bout d'île de rien du tout, qui se trouve en plein milieu du canal séparant les Sapodillas de la terre ferme. Il y a du corail tout autour de Seal, qui est presque plus petite qu'Alcatraz. Nous décidons d'explorer la vie sous-marine et de nous pointer voir si le couple qui vit sur l'île peut nous préparer à déjeuner...
La poiscaille et les dentelles de corail ne nous déçoivent pas, c'est un des plus jolis endroits que nous ayons vu jusqu'à maintenant, avec la paroi qui plonge presqu'à pic et se perd dans le grand bleu. Quand nous terminons notre exploration, nous débarquons sur Seal et faisons connaissance du couple qui y habite. Ils sont jeunes, peut-être même pas la trentaine, et ils ont un adorable petit Junior avec eux, ainsi que leurs deux chiens. Et c'est tout. Je me demande si je pourrais jamais vivre comme ça, si loin de tout et si simplement...Actuellement ils sont entrain d'essayer de faire prospérer leur "business hotelier". Finalement nous ne restons pas à déjeuner car nous n'avons pas le temps d'attendre pour que ce soit près si nous voulons arriver à temps à Ranguana. Dommage pour ce couple qui semblait bien content d'avoir enfin un peu de compagnie...
De retour sur Lucky Erin, nous nous préparons des sandwiches et de la bouffe de pique-nique que nous grignotons tout en voguant sous un ciel azur parfait. Il ne fait pas trop chaud grâce à la brise et nous arriverons à destination dans quelques heures...que demander de plus ?

JR nous donne la réponse quand, d'un ton pressant et à voix presque basse, il s'exclame: "Des dauphins !". Nous nous précipitons calmement (si si, c'est possible) vers la proue où nous nous asseyons pour les observer. Il doit y en avoir 7 ou 8 qui se mettent à jouer avec la proue du bateau, sillonant les eaux juste devant comme si ils nous guidaient et nous narguaient à la fois. Les mots me manquent pour exprimer à quel point c'est génial de voir ça...
Au bout d'une dizaine de minutes ils semblent ralentir un peu, comme pour nous dire au revoir et puis ils plongent vers les profondeurs et nous les perdons de vue. Nous avons encore un sourire béat collé aux lèvres et sommes à 300% sous le charme de tout ce qui se trame à bord d'un voilier...
Nous arrivons à Ranguana vers 16h et à peine avons nous jetté l'ancre que Lisa et moi partons en zodiac rendre visite à Patricia, qui habite sur l'île avec ses deux frères. Il paraît qu'elle cuisine sacrément bien, et nous avons très envie de ne pas dîner à bord ce soir...et nous devons récupérer une énorme glacière pleine de glaçons pour essayer de faire tenir nos aliments et surtout pour mettre nos bières au froid ! Comme elle nous dit de ne venir que vers 19h30 pour souper, nous nageons autour du bateau et glandouillons en attendant l'heure de se faire "péter la sous-ventrière"...Ce soir là on se couche en pensant que nous ne sommes pas du tout déçus. Ni par Ranguana, ni par la cuisine de Pat'...

Mardi 15

Comme toujours, je me réveille aux aurores et assiste au lever du jour. Ce matin je suis particulièrement dans le pâté, la nuit n'a pas été très bonne...
Il a fait horriblement chaud et lourd, il n'y avait pas un poil d'air qui circulait sous le pont malgrè nos dispositifs "attrape-vent". Ce matin ça va sans doute être relax...Les oiseaux chantent, les deux pelicans qui ont élu résidence sur Ranguana sont un peu bruyants mais rien ne vient déranger l'ambiance vacances proche de la nature. Si ce n'est que...est-ce que c'est du gros rap amerloque qui pue que j'entends brailler sur la plage de Ranguana ?? Mais oui, mes oreilles ne me trahissent pas. Les frères sont entrain de commencer leur journée de travail au son de je ne sais quel groupe de rap pur et dur américain...L'ambiance est foutue, comme qui dirait...Lisa émerge sur le pont et prononce son verdict: "Je hais la globalisation ! Et pourquoi est-ce que nous nous débrouillons toujours pour exporter de la merde ? Rap, MacDo et Coca-Cola, c'est tout ce que nous avons apporté au monde !"...
Bon bah...si c'est elle qui le dit, je ne vais pas la contredire !!!
Nous passons la matinée à glandouiller (ça devient une habitude, signe inéquivoque que nous nous sentons vraiment en vacances), à nager autour du bateau, à lire et à faire du snorkel. Ensuite c'est l'heure du déjeuner et nous nous attaquons aux restes qui peuvent être sauvés de la noyade. Je ne cuisine peut-être pas aussi bien que Patricia, mais je me défends...

Après déjeuner Veri et moi laissons Lisa et JR à bord et prenons le zodiac pour aller faire la sieste dans les hamacs que nous avons repéré sur la plage. Nous finissons par y rester presque 2 heures, à lire et à dormir sous le toit de palmes et à profiter un peu du farniente. Je finis même par avoir froid !!! Eh oui, c'est mon sang de navet qui me joue des tours, et endormie à l'ombre sous la petite brise, je me réveille parce que j'ai froid, incroyable mais vrai !
En fin d'après-midi, Veri va chercher JR et Lisa au bateau pour une scéance photo sur la plage paradisiaque. On a même eu droit à JR et Veri qui nous ont fait une démo de poses sexys. Impayable mais censuré pour ce blog...
Après une débauche de photographie nous sommes rentrés à bord parce que nous avions des invités pour le Happy Hour. Un couple très sympa d'une soixantaine d'années, qui avaient décidé de vivre à bord de leur voilier "Infini" et de voir le monde en guise de retraite. Nous avons éclusé nos provisions de légumes frais, Lisa nous a fait des quesadillas et nous avons mangé des crackers et du fromage, en buvant la fin du rhum et de la binouze. Nous avons eu, en cadeau, une des seules photos où nous sommes tous les 4 et nous avons passé notre dernière soirée à bord de Lucky Erin de manière très agréable.


Mercredi 16

Cap sur Placencia où nous sommes censés rendre le navire à midi. Bon, malgrè un départ de très bonne heure, avouons que nous savons déjà avec une certitude proche de la prémonition que nous ne serons jamais à midi au rendez-vous puisque nous comptons nous arrêter en chemin pour faire du snorkel dans la réserve marine de Laughing Bird. L'emploi du temps est serré en cette dernière demi-journée mais nous comptons profiter au maximum de l'accès facile que nous allons avoir à la réserve. Ça serait trop bête de laisser passer cette occas'...

En route un dauphin solitaire nous fait grâce de sa présence et joue avec Lucky Erin pendant plusieurs minutes. Nous sommes, fidèles au poste, assis à la proue du bateau, tasse de café en main, pour profiter du spectacle. Quelle chance pour notre dernier petit dèj' !!
Laughing Bird est, tel que promis, un environnement privilégié pour observer les poissons et le corail y est réellement magnifique. Nous passons 1h30 dans la réserve avant de remonter à bord, lever l'ancre, hisser toutes les voiles et mettre le moteur quasi à fond. Cette fois nous allons inexorablement vers Placencia, rendre le bateau et retourner à la vie sur la terre ferme...
En arrivant, avec une heure et demi de retard, nous déchargeons Lucky Erin, entassons nos sacs dans deux brouettes et partons vers l'hôtel sous une chaleur accablante qui menace de nous faire nous évanouir à chaque instant...Nous passons le reste de la journée à traîner sur la plage et à regarder les photos sur le portable de Lisa. Ensuite nous prenons une longue longue douche d'eau douce, mettons nos "beaux" habits et partons dîner...
Pendant tout ce temps là, le sol roule et tangue sous nos pieds et nous n'avons pas du tout le pied terrien...








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